L’ère de la post-vérité
Dans la presse internationale, le mot « post-vérité », a été consacré en 2016 mot de l’année par le prestigieux dictionnaire d’Oxford, qui en donne la définition suivante : « qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles ».
En d’autres termes, il s’agit tout simplement de mensonges qui ne cherchent même pas à être crédibles, et qui sont exprimés de manière à faire vibrer les auditoires. Cette nouvelle expression (post-vérité) ne fait que remettre au goût du jour les ressorts du discours populiste, utilisé par les démagogues qui mobilisent le peuple par des promesses électoralistes (synonyme de “fausses”) ou qui flattent ses « bas instincts » comme le nationalisme, la xénophobie, voire le racisme ou qui exacerbent les réflexes sécuritaires.
L’expression “post-vérité” fait également penser au fonctionnement du phénomène du complotisme, (ou conspirationnisme) qui entraîne les gens à croire dans des théories qui ne reposent pas sur des faits mais sur des projections imaginaires. Il suffit d’exprimer n’importe quelle idée (et souvent, n’importe quelle peur) et elle est propulsée aujourd’hui à l’échelle planétaire, avec de bonnes chances de devenir une croyance populaire en moins de deux. Parce que la peur est le sentiment qui se partage le mieux, et sa propagation est la plus virale de toutes. La peur et le mensonge sont les deux premiers fruits de la Chute. Et ils précèdent de peu le meurtre fratricide.
D’où vient la post-vérité ?
L’expression «post-vérité» a fait son apparition en 2016, sous la plume des commentateurs politiques, lors des campagnes du référendum sur l’appartenance du Royaume Uni à l’Union Européenne et de l’élection présidentielle américaine. Parce que les victoires qui ont été remportées ont reposé largement sur des représentations déformées, menaçantes, de la réalité, stimulant les peurs et favorisant les retractations. Le plus incroyable (!) étant la capacité des foules à avaler toutes ces couleuvres. Le concept de la vérité (ou de l’objectivité) a été à ce point malmené, qu’il a donc fallu recourir à cet euphémisme de post-vérité, qui définit finalement une zone de mensonge qu’une grande partie de la population tient pour être la vérité — avec un certain enthousiasme, en plus.
Repère biblique
L’apôtre Paul décrit un contexte semblable dans une de ses lettres aux Thessaloniciens, dans laquelle il décrit une situation future de la grande scène du monde :
«…L’apparition de cet impie se fera, par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l’iniquité pour ceux qui périssent parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Aussi Dieu leur envoie une puissance d’égarement, pour qu’ils croient au mensonge,… afin que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice, soient condamnés.» (2 Thess. 2/9 à 12)
Si nous laissons de côté toute la dimension interprétative du sujet de l’antichrist et de la fin des temps, nous remarquons la place centrale du mensonge et la vérité dans une société en proie à la confusion spirituelle.
Pourquoi Dieu envoie-t-il une puissance d’égarement ?
Nous avons besoin d’une réponse à cette question. En effet, la plupart des chrétiens prient pour que Dieu améliore la situation du monde, et c’est tout-à-fait juste, sous un certain angle : nous prions pour les autorités, pour les gouvernements[1], mais il semble ici que cette prophétie intègre un interventionnisme divin négatif : alors que la situation est catastrophie, Dieu accentue le problème.
Il faut noter cependant que Dieu ne déclenche pas un phénomène d’incrédulité mais il l’entérine, ce qui a pour effet d’accélérer un processus de confusion qui semble être parvenu à un point de non-retour, à savoir une société qui se livre graduellement au mensonge, jusqu’à un stade irréversible.
Dien envoie une puissance d’égarement parce que le Monde VEUT croire dans ce que nous appelons «le mensonge» (nous en avons la preuve avec le phénomène de post-vérité qui se déploie actuellement sous nos yeux), c’est-à-dire dans une forme d’existence, de fonctionnement et de progrès, sans Dieu. C’est en quelque sorte l’aboutissement de l’errance loin de la vérité, qui a commencé le jour où le premier couple a fait son premier pas en dehors du jardin d’Eden. Et cette errance ne peut engendrer à terme que le chaos, si les appels à revenir au Créateur ne sont pas entendus.
…Pour confondre l’homme qui s’élève au-dessus de Dieu
Les hommes qui ne se soucient pas de connaître Dieu[2], et refusent de Le reconnaître dans ses œuvres — qui se voient pourtant à l’oeil nu — ne peuvent éviter d’être livrés à leurs sens réprouvés, après s’y être abandonnés. C’est un principe spirituel. Et dans ce mouvement mécanique, ce sont donc «leurs émotions et leurs opinions personnelles» qui sont élevées au-dessus de la vérité. C’est l’ère de la post-vérité.
Les opinions personnelles, ce sont les vérités que nous choisissons nous-même sur la base de nos intérêts. Le Dieu de la vérité absolue n’est plus le bienvenu dans Sa création, Il doit donc être remplacé par le dieu de la vérité relative (ce qui est vrai et bon pour soi), ce qui signifie que c’est l’être humain qui devient dieu.
Se proclamant lui-même Dieu
En préférant le mensonge à la vérité, en épousant son principe, cet être humain-là fait corps avec lui. En élevant les opinions personnelles et les émotions au-dessus de ce qui est vrai, au-dessus de la Vérité, cet homme se divinise. Il n’y a plus rien au-dessus de lui. Ce mouvement ascentionnel produit une société, une mentalité, une conscience collective, au sein de laquelle l’humain devient la mesure de toute chose, ce qui est la forme la plus aboutie de l’iniquité, telle que la conçoivent les Écritures : Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme (Jér. 17/5).
«Que personne ne vous séduise d’aucune manière; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu»
Les croyants, dans leur très grande majorité, attendent de Dieu qu’Il rétablisse les déséquilibres des sociétés en plein égarement moral. À l’image des disciples du temps de Jésus, nous sommes handicapés par une myopie spirituelle et nous pensons que le Messie vient pour arranger les choses, et pour faire de nous, croyants, les dominateurs et les autorités du Monde. Une sorte d’âge d’or — que toutes les religions attendent, d’ailleurs.
Une issue verticale
Le dessein de Dieu n’est pas de sauver un système corrompu, mais de sauver tous ceux et celles qui en sortent. C’est le sens du mot “ekklesia” : sortir de. Il n’y a pas de vie en dehors du royaume de Dieu, pas de vie en dehors de Christ. Ceux qui reçoivent la Vérité l’aimeront. En dehors de cela, tout repose dans une forme de mort.
Lorsque la société moderne décide de placer le mensonge exactement à la place de la vérité, en bricolant un élément de langage pour faire illusion, c’est le signe fort que nous sommes à une heure cruciale, proche de la situation décrite dans la prophétie de Paul. Nous voyons par exemple le Président du pays le plus puissant du monde se révéler comme un menteur compulsif, élu sur la base de ses mensonges, mais une grande partie des chrétiens continuent d’espérer avoir eu raison de voter pour lui. N’est-ce pas justement le signe d’un grand égarement ?
Jérôme Prekel
Article extrait avec Autorisation du Blog d'édification Chrétienne
https://lesarment.com/2017/02/lere-de-la-post-verite/